C’est aujourd’hui la fete de saint Firmin. Voici un point d’histoire locale pour qu’on se souvienne à Uzès et en Uzège de cette grande fête car désormais la foire de la Saint Firmin a été supprimée. Elle ne correspondait en effet plus à grand chose.. !
Jusqu’à la révolution le bourg de Saint Firmin a formé une commune indépendante d’Uzès avec ses consuls et son administration propre. La population de ce bourg était minime, répartie dans l’agglomération de la Périne, ainsi que dans les mas et métairies ( 187 habitants). Par contre son territoire était aussi étendu que celui d’Uzès et ses limites allaient jusqu’à celles de Saint Siffret et de Saint Quentin.
C’était dans la belle propriété de la Perrine qu’un de nos premiers évêques, Saint Firmin, avait fait élever une grande et magnifique basilique en l’honneur de Saint Baudile, martyr de Nîmes.
Firmin lui-même voulut y être inhumé et lorsqu’à son tour il fut canonisé, les fidèles vinrent en foule vénérer ses reliques, dans cette basilique richement décorée par les libéralités des descendants de Clovis, qui rivalisaient pour honorer la mémoire d’un des plus saints et illustres membres de leur famille, Firmin étant par sa naissance, de race royale.
Les fidèles qui venaient ainsi en pèlerinage sur le tombeau du saint, commencèrent à échanger entre eux des denrées diverses, les uns vendant les produits de leurs campagnes, les autres les achetant. Ce fut l’origine de la foire de la Saint Firmin qui, autrefois, durait 12 jours, à l’époque du 11 octobre, et qui se tenait sur le territoire du bourg. Elle fut réduite à trois jours en 1358, et en 1578, la ville d’Uzès obtint du roi Henri III l’autorisation de la transférer en ses murs.
Lors des guerres de religion,la basilique fut détruite en même temps que les maisons du bourg, vers 1575, et la position avancée de cette partie des abords d’Uzès devint un fort dont la possession fut âprement disputée par les protestants et par les catholiques.
Toutes ces destructions avaient formé des amas de pierres d’où le nom de peïres, perrine, qui fut donné à ces lieux. En 1695, le chanoine Huard, archidiacre, en utilisa une partie pour bâtir l’imposante résidence actuelle . Au siècle dernier, Mgr Besson, évêque de Nîmes, venait y passer ses vacances quand elle appartenait à la famille d’Amoreux ( note JM: Saint Félix d’Amoreux puis son fils Albin d’Amoreux,)
Quatre-vingts orangers, dans des vases d’Anduze, faisaient l’ornement du parc, dont les terrasses dominent un vaste et superbe panorama.
Un seul vestige du passé demeure en ces lieux chargés d’histoire et d’évocations religieuses: c’est dans le parc, une pierre tombale sculptée représentant un évêque avec ses ornements, couché et endormi dans la mort. Tout porte à croire que cette pierre surmontait la tombe de Saint Firmin, mais on ignore le lieu exact de sa sépulture.
Les archives de l’hospice, mentionnent un fait qui se serait produit là en avril 1767. Un maçon, Antoine Nègre, trouva, au terroir de saint Firmin, dans un mur qu’il refaisait pour le compte du sieur Verdier, un ciboire d’argent qu’il porta chez Angeli, orfèvre à Uzès. Celui-ci l’estima d’une valeur de quarante et une livres quatorze sols, le fit remettre à l’évêque et, comme personne ne le réclamait, ce dernier le céda à l’hospice, moyennant une gratification de douze livres à verser au sieur Antoine Nègre qui l’avait trouvé. Selon toute probabilité, ce ciboire avait dû appartenir à l’ancienne basilique Saint ciboire.
Evoquons ici la légende du saint protecteur de notre cité, telle que le relate le vieux bréviaire de la cathédrale imprimé en 1493 et dont un seul exemplaire existe à la Bibliothèque Nationale
Lorsque dans sa maison de campagne de Firminargues, située au bord des Seynes, entre Arpaillargues et Montaren, où il s’était retiré,saint Firmin vit venir la mort, en pleine connaissance , il se fit transporter dans la petite chapelle qu’il avait fait construire et rendit sa belle âme à Dieu, le 15 des Ides d’octobre de l’an 553. Immense fut la douleur du peuple qui le tenait en grande vénération et nombreux étaient ceux qui pressaient dans Uzès pour assister aux funérailles solennelles qu’on lui préparait.
On avait placé la dépouille de Firmin, sur un chard tiré par quatre boeufs. Mais pour se rendre à Uzès, distant d’environ une lieu de Firminargues, il fallait traverser une épaisse forêt. Le cortège funèbre cheminait sous l’ombre touffue des grands arbres quand, soudain, un ours énorme sort du fourré se jetant sur l’attelage, terrasse l’un des boeufs et l’étend sans vie sur le chemin.
Les assistants, revenus de leur premier moment de stupeur, entourent aussitôt la bête féroce et se préparent à la mettre hors d’état de nuire. Mais, prodige merveilleux, l’ours ne se défend pas et n’oppose aucune résistance. Il semble avoir perdu tout d’un coup sa férocité naturelle. Ce que voyant, on l’attache au joug du char avec les trois boeufs qui restent. Et c’est traîné par cet étrange attelage que le corps de Firmin entra dans la cité épiscopale. ( proprium sanctorum Cathedralis Ecclesiae Ucencientis)…..
Vers la fin du IX siècle il se produisit sur le tombeau du saint des phénomènes pathologiques mystérieux: on vit de nombreux pèlerins tombant à terre, à la façon des épileptiques.L’autorité religieuse prit aussitôt des mesures pour arrêter ces désordres et l’on fit disparaître les reliques. On les cacha si bien qu’on n’en parla plus pendant près de cinq cents ans, Jusqu’au moment où, vers l’an 1431, elles furent, par hasard, retrouvées. Le pèlerinage reconquit son ancienne splendeur, mais pendant un siècle seulement. Vinrent les guerres de religion; la basilique fut détruite et les restes du saint dispersés au vent….
Heureusement, après leur découverte en 1431, le cardinal Eugène de Saint Eustache, avait sollicité et obtenu une partie des reliques pour sa principale église de Montpellier….. On les croyait perdues, lorsque après la révolution, un jardinier défrichant le terrain d’un Monsieur de Serre, mit au jour une caisse de plomb portant l’inscription « sanctus Firminis » et tous les sceaux épiscopaux qui en garantissaient l’authenticité.
C’est ainsi qu’en 1873, quelques restes de saint Firmin ont été ramenés dans notre cathédrale et furent places dans une chasse où elles sont encore aujourd’hui…
Voir Gaston Chauvet dans son merveilleux livre sur Uzès. Il était très bien informé. D’Albiousse ne dit rien de contradictoire et complète utilement ses informations. Le chanoine Thomas ne dit rien qui s’oppose à cette version des faits, et ce que dit Thomas Platter s’inscrit bien dans la version de cette version
Voila une bien belle histoire qu’il faut désormais verser au livre des souvenirs. La foire ayant disparue, cette page d’histoire locale risque de tomber aux oubliettes, si ce n’est cette chasse qui intrigue toujours les visiteurs dans notre cathédrale et la messe célebrée ce jour en l’honneur de la Saint Firmin !
Jean Mignot